Le scénario catastrophe

Il paraît que des citoyens français votent (ou s’abstiennent) parce qu’ils sont en colère, qu’ils veulent donner une leçon, qu’ils n’en peuvent plus. Ces sentiments peuvent se comprendre ou s’expliquer. Mais l’élection passée, il s’agit de revenir dans le monde réel, d’arrêter de trépigner et de regarder les choses en face. Cantonnons-nous au strict volet économique et financier.

Philippe Dessertine, Directeur du Centre d’Études et de Recherches Dessertinesur les Organisations et la Stratégie à l’Université Paris X. Directeur de l’Institut de haute finance et professeur à l’Université Bordeaux IV (Montesquieu).
Crédits photo : Sud Ouest

Le 7 mai, à 20 heures, si le nouveau Président est une Présidente, Marine Le Pen, celle-ci est confrontée dans la nuit de dimanche à lundi à une gigantesque fuite des capitaux, provoquée par la crainte désormais tangible d’une explosion de l’euro et de l’Union européenne.
La situation a été anticipée, le dispositif technique est prêt depuis longtemps. Dès avant minuit, la nouvelle présidente doit quitter précipitamment la fête donnée pour célébrer son élection pour valider le blocage de tous les comptes bancaires courants, privés et professionnels, jusqu’à nouvel ordre. Les bourses asiatiques décrochent à l’ouverture. Vers deux heures du matin, à Bercy, le Conseil de stabilité financière se réunit autour de Michel Sapin, encore pour quelques heures ministre de l’Économie et des finances. La cellule présidentielle est installée dans un local sécurisé, au cœur de Paris, puisque l’Élysée est encore occupé par François Hollande.
Madame Le Pen et ses collaborateurs sont informés minute par minute des décisions proposées. Toute l’épargne, en particulier les assurances-vie, n’est plus accessible aux déposants pour une semaine avec possibilité de prolonger la mesure indéfiniment. De très nombreux distributeurs de monnaie sont pris d’assaut partout en France et sont vite en pénurie de billets. La Banque de France met en œuvre le plan spécial de distribution rationnée de la liquidité disponible.

Vaste mouvement de spéculation

L’armée et la police sont sollicitées à cet effet, les camions blindés sous escorte spéciale partent dès 5 heures aux quatre coins du territoire. Au matin, les bourses mondiales décrochent brutalement, la différence de taux entre les emprunts d’État français et allemand passe de 0,4 % à près de 6 % en moins d’une heure. Un vaste mouvement de spéculation contre la dette française est lancé par les grands hedge funds mondiaux (fonds spéculatifs).
La Bourse de Paris ferme trois minutes après son ouverture tant les ordres de vente sont nombreux. Les valeurs bancaires et d’assurance en particulier s’effondrent. Dans la matinée, toutes les bourses européennes doivent fermer à leur tour. Le temps presse. La Présidente prévoit d’annoncer son gouvernement à 18 heures mais doit intervenir dans les médias nationaux pour rassurer la population et indiquer que la situation est sous contrôle et va vite revenir à la normale.
L’annonce provoque la panique sur les marchés américains qui, comme en Europe, ferment à peine ouverts.
À midi, les chefs d’État de la zone euro arrivent à Berlin. À 16 heures, en présence de tous ses homologues, Angela Merkel, la mine grave, annonce que tous ont pris acte de la volonté exprimée par le vote français. Elle précise qu’il n’est pas possible d’attendre six mois le résultat des élections législatives et d’un éventuel référendum. Par conséquent, le mandat a été confié à Mario Draghi de mettre en place au plus vite le processus de séparation de la France de la monnaie unique et la refondation d’une Europe différente. Elle précise à ses propres concitoyens qu’un tel scénario a été envisagé depuis des mois et que les mesures concrètes sont déjà mises en œuvre.

Problème de liquidités

L’annonce provoque la panique sur les marchés américains qui, comme en Europe, ferment à peine ouverts. Dès le soir, Marine Le Pen préside une réunion provoquée par la direction du Trésor. La France doit lever 190 milliards d’euros d’ici la fin 2017 ; elle est par ailleurs ultra déficitaire sur son commerce extérieure et doit donc impérativement emprunter sur les marchés de quoi régler ses importations vitales, notamment énergétiques. La liquidité disponible dans les caisses de l’État permet de faire face un gros mois ; ensuite se posera le problème des échéances de mi année et le paiement des salaires des 5,6 millions de fonctionnaires.
L’accès aux marchés ne doit en aucun cas être coupé sous peine de cataclysme absolu. Il est donc conseillé de ne pas faire défaut sur les 1 400 milliards que la France doit à des créanciers étrangers, mais en revanche de bloquer toute l’épargne nationale pour au moins trois ans. Dès le mercredi, les faillites d’entreprises, étranglées par manque d’argent, se multiplient.

Le 7 mai, le Président élu peut être Emmanuel Macron. La journée fériée du 8 sera alors beaucoup plus paisible. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce calme sera trompeur. L’augmentation du chômage en mars est calamiteuse, notre déficit public est énorme, tout comme la dette. Les marges de manœuvre sont quasi nulles et la société française est sous forte tension. Il faut une impulsion, forte, immédiate. Il faut que le personnel politique entende enfin le message des urnes et mette enfin de côté ses petites manœuvres à courte vue. Il y a urgence.

Voir la chronique de Philippe Dessertine sur le site du journal Sud Ouest

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