Piaf & Cocteau

11 octobre 1963

Piaf et Cocteau, que tout séparait, ont disparu tous les deux, le même jour, l’une ruinée par ses propres excès, l’autre harassé et las de vivre. Voilà maintenant 50 ans que l’ombre a recouvert en même temps la dévoreuse d’hommes et l’homosexuel revendiqué. Ce fut un choc pour le pays tout entier d’apprendre la disparition de celle qui chantait, d’une voix trop grande pour un corps si frêle, le temps des amants d’un jour, de l’amour irréversible, de la pute au bon cœur au bord du trottoir. Un temps qui n’existait plus.
Et c’est exactement ce qui séduisit Cocteau, maigre oiseau huppé à la mélancolie et l’ironie du désespoir, qui cherchait toutes les nuits dans les fumées d’opium, les jours passés, jeunes et beaux comme ces amants perdus.

Ainsi, le poète le plus précieux de ce temps se lia d’amitié avec le petit oiseau du caniveau. Il avait 25 ans de plus qu’elle, trouvait cocasses son appétit sexuel et les jeunes gens qu’elles soulevait. Elle aimait sa poésie de nuages. Ils s’écrivaient souvent.
Quand sa gouvernante lui appris la mort d’Édith, Cocteau murmura : “Je n’ai pas connu de femme moins économe de son âme, elle en a jeté l’or par les fenêtres », puis ajouta :
Le bateau achève de couler, c’est ma dernière journée sur cette Terre ». Et il mourut.
On enterra le poète, mais la ferveur populaire ne retint que le gigantesque cortège qui accompagna Piaf au Père Lachaise, emportant avec elle l’éternelle enfant, fille de la misère des siècles. D’après l’éditorial “Les oiseaux tristes” d’Yves Harté, journal Sud-Ouest du 12/10/2013

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